Numéro actuel

POLI – POLITIQUES DES CULTURAL STUDIES
Numéro 15 – Automne 2022


En interrogeant l’actualité des Cultural Studies, et plus particulièrement celle de l’école de Birmingham, ce quinzième numéro de Poli – Politiques des Cultural Studies souhaite contribuer à la dynamique de développement et traduction culturelle de ce domaine de recherche – particulièrement vivace aujourd’hui dans le contexte des sciences humaines et sociales françaises. Il initie une double lecture des Cultural Studies. L’une rend compte de l’histoire d’un domaine en perpétuelle transformation, dont le récit n’est jamais stabilisé et ne cesse de faire l’objet d’actualisation. L’autre consiste à appréhender le socle théorique des Cultural Studies en tant qu’approche, elle-même soumise à un ensemble de mises à l’épreuve théorique et méthodologique au contact de nouveaux terrains. L’enjeu de ce numéro est aussi bien d’étudier des moments charnières de discussion et formalisation théorique au sein du Centre for Contemporary Cultural Studies (CCCS) que d’esquisser de possibles renouvellements des travaux en Cultural Studies en France, à la croisée d’une connaissance du domaine et d’une opérationnalisation de leurs principaux concepts.

Retour vers le futur :
les Cultural Studies et l’école de Birmingham


Retour vers le futur : les Cultural Studies et l’école de Birmingham

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Maxime Cervulle et Nelly Quemener

Résumé

Depuis le début des années 2000, les Cultural Studies n’ont cessé de se diffuser dans le paysage universitaire français. Nombreux sont les colloques, traductions, thèses, numéros de revue, monographies ou manuels qui ont participé du développement et de l’adaptation du domaine aux spécificités de la recherche en France et posé les jalons de l’appropriation de certains concepts à l’instar de la politique de l’identité ou des représentations. Cette diffusion croissante est pourtant loin d’avoir exhumé toute la complexité des Cultural Studies et certains pans de leur histoire, de leur épistémologie et de leur méthode restent aujourd’hui méconnus, qu’il s’agisse par exemple des conditions de constitution du Centre for Contemporary Cultural Studies (CCCS) de Birmingham en « école » ou des rapports avec d’autres approches ou écoles de pensée influentes, à l’instar de l’école de Francfort. Le quinzième numéro de Poli – Politiques des Cultural Studies, qui inaugure un nouveau nom et un nouveau format pour la revue, propose de revenir à l’école de Birmingham afin d’en explorer les apports pour la recherche contemporaine.

 

Le problème de l’idéologie. Un marxisme sans garanties

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Stuart Hall

Résumé

La théorie marxiste a connu ces vingt ou trente dernières années un renouvellement irrégulier, inégal et pourtant remarquable. Elle est redevenue le principal pôle d’opposition à la pensée sociale « bourgeoise ». Or de nombreux·ses jeunes intellectuel·le·s y ayant contribué un temps sont, après un apprentissage hâtif et rapide, repassé·e·s de l’autre côté. Ayant « réglé leurs comptes » avec le marxisme, ils et elles se sont dirigé·e·s vers des champs intellectuels frais… mais pas complètement : le post-marxisme auquel ils·elles ont adhéré reste l’une des plus grandes et des plus florissantes écoles théoriques contemporaines. Les post-marxistes utilisent des concepts marxistes tout en démontrant constamment leur insuffisance ; il·elle·s continuent en réalité à se reposer sur les théories mêmes qu’il·elle·s viennent de détruire définitivement. Si le marxisme n’existait pas, le « post-marxisme » aurait dû l’inventer pour donner quelque chose à faire aux « déconstructivistes ». Tout ceci donne au marxisme un curieux parfum de vie après la mort. Il est constamment « transcendé » et « préservé ». Il n’est de ce point de vue pas de poste d’observation plus instructif pour analyser ce procès que celui de l’idéologie elle-même.

 

Vie psychique et rapports sociaux. La postérité d’Althusser chez Stuart Hall et Judith Butler

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Audrey Benoit

Résumé

L’article envisage les effets d’écho entre Stuart Hall et Judith Butler, à partir de la manière dont chacun d’eux se réapproprie l’approche althussérienne de la constitution sociale originaire du sujet, dans et par le langage de l’idéologie. À partir d’une analyse comparée de textes de Hall et de Butler, l’article montre comment Butler évite l’écueil, pointé par Hall en 1985, d’une dissociation des enjeux économiques matériels et des enjeux psychiques de l’assujettissement des sujets par le pouvoir. Au contraire, Butler conforte et complète la perspective que Hall appelle de ses vœux : si la subjectivité de chacun ne préexiste jamais à sa constitution au travers des catégories idéologiques du langage, il faut néanmoins réinscrire l’analyse des processus de subjectivation dans une approche conjoncturelle de la plasticité des rapports sociaux, afin de penser non seulement l’emprise psychique du pouvoir sur les sujets, mais encore les modalités subjectives leur permettant de s’en déprendre, de manière subversive. Au travers de cette filiation althussérienne, s’esquisse ainsi une grammaire conceptuelle commune aux Cultural Studies et aux Feminist-Gender Studies américaines, dans laquelle peut se formuler, au-delà de la question de la reproduction discursive des rapports sociaux, l’analyse de leur transformation par le discours.

 

Genre et sémiologie politique. De quelques appropriations de Roland Barthes par les studies

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Virginie Julliard et Stéphanie Kunert

Résumé

Jugée trop marxiste ou trop structuraliste, la sémioclastie barthésienne a connu des critiques et appropriations diverses et contrastées en Cultural Studies ainsi qu’en sciences de l’information et de la communication. Le potentiel critique initial de la sémiologie a notamment trouvé à se redéployer dans les travaux sur la production médiatique du genre. Cet article propose un parcours dans certains de ces travaux qui ont en commun d’être attentifs à la fois à la matérialité du langage et aux représentations de genre, qu’ils soient issus de la sémiologie française des années 1950-1960, des studies anglo-saxonnes ou des SIC.

 

« Je t’aime moi non plus » : l’École de Birmingham et les Popular Music Studies autour du concept de « contre-culture »

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Marc Kaiser

Résumé

Notre texte s’intéresse à la relation paradoxale de l’École de Birmingham avec le concept de « contre-culture » qui a orienté et continue d’influencer en partie les recherches en Popular Music Studies. Pour ce faire, nous montrerons tout d’abord comment ce concept a été rejeté par les membres de l’École de Birmingham qui ont davantage mobilisé l’idée de « subculture ». Nous verrons ensuite que les subcultures musicales ont été pour leur part critiquées par certaines recherches en Popular Music Studies pour finalement comprendre comment l’approche contre-culturelle est venue compléter les réflexions sur les courants musicaux contemporains en insistant sur les identités socioculturelles en lien avec les mouvements transnationaux et la modernité réflexive. L’article s’appuie entre autres sur des données obtenues lors d’une recherche effectuée en 2015 à l’Université de Birmingham sur le fonds d’archives du CCCS.

 

Un voleur dans la nuit. Histoires de féminisme dans les années 1970 au Centre for Contemporary Cultural Studies

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Charlotte Brunsdon

Résumé

C’était une vérité reconnue par toutes celles qui étudiaient au Centre for Contemporary Cultural Studies (CCCS) de l’Université de Birmingham dans les années 1970 qu’aucune femme n’y avait jamais achevé son doctorat. Et que ce n’était pas prêt d’arriver, grommelions-nous, pour peu que le sujet de thèse fût situé hors des domaines de l’espace public, de l’État et de la classe ouvrière masculine – pré carré et zone de confort des garçons. Et cela ne tenait pas non plus à l’absence de femmes en cycle doctoral. Les doctorantes au CCCS travaillaient sur des sujets comme les magazines féminins, les subcultures de filles, l’amour romantique, les comics pour filles ou la culture des femmes de classe ouvrière, pour n’en citer que quelques-uns. Bien que des recherches aient été poursuivies sur ces sujets, il me semble, rétrospectivement, que beaucoup plus de temps était en fait consacré à essayer de déterminer en quoi consistait un travail intellectuel féministe et comment il se rattachait aux projets compris comme relevant des cultural studies. 

« Faire » des cultural studies avec les séries télévisées françaises. Une relecture de Stuart Hall.

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Sarah Lécossais

Résumé

Cet article se veut une traduction méthodologique et pratique des propositions de Stuart Hall afin de montrer comment, concrètement, étudier des représentations fictionnelles médiatiques et en déconstruire le « labeur idéologique » (Hall, 2017 [1982]). Pour ce faire, on propose d’interroger le concept de « politiques de représentations » en travaillant à la fois sur leurs modalités d’émergence et sur la manière dont les chaînes de signification privilégiées qui les sous-tendent sont articulées. À partir d’exemples concrets issus de différents corpus de séries télévisées françaises, on fournira des outils méthodologiques pour saisir les prémisses idéologiques (en termes de genre, classe et race) qui circulent dans ces fictions et mettre en lumière le « travail de la représentation ».

 

Macron est-il un néolibéral ? Stuart Hall et les conjonctures néolibérales

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Simon Dawes

Résumé

Sommes-nous dans une ère néolibérale ? Emmanuel Macron est-il un néolibéral ? Dans ses critiques des conjonctures néolibérales au Royaume-Uni, sous les gouvernements de Margaret Thatcher, Tony Blair et David Cameron, Stuart Hall a montré comment l’idéologie néolibérale est capable d’évoluer, de se transformer et même de se travestir, en relation avec d’autres idéologies. Cet article aborde certains débats théoriques et méthodologiques sur le néolibéralisme afin de mieux comprendre la conjoncture néolibérale contemporaine. Non pas pour répondre à la question : « Sommes-nous dans une ère néolibérale ? », mais afin de comprendre comment le processus néolibéral s’articule aujourd’hui à diverses formes de discours illibéral.


Hors dossier – rubrique libre


Néolibérée
(Toute ressemblance serait fortuite)
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Émilie Notéris

Résumé

Elle pense que maintenant qu’elle a obtenu ce poste elle doit se battre pour y rester, se faire accepter par ses supérieurs et rester vigilante face à celles qui pourraient briguer sa place, il faut toujours se méfier des autres femmes

Elle regarde autour d’elle mais, là où elle se trouve, il n’y a pas vraiment de femmes à ce niveau-là sinon, bien sûr, des secrétaires, oui, des stagiaires aussi, elle a le droit à une stagiaire, plusieurs, une secrétaire, elle se sent bien parmi tous ces hommes blancs de la même classe qu’elle

Elle a été choisie, elle est spéciale, elle a su leur plaire, les séduire, leur inspirer confiance

Remerciements
Andrey Benoit, Charlotte Brunsdon, Simon Dawes, Clémence Garrot, Gérôme Guibert, Mark Kaiser, Marc Jahjah, Kolja Lindner, Émilie Notéris, Alexandra Saemmer.

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